Naviguer dans la complexité du développement de carrière : Le rôle central de la résilience

By Driss Elmouden
Résumé
Cet article explore le rôle central de la résilience dans le développement de carrière, en s'appuyant sur un ensemble diversifié de cadres théoriques et d'observations empiriques. En utilisant une analyse thématique approfondie fondée sur un large corpus de littérature en développement de carrière, ce travail synthétise les dimensions psychologiques, comportementales, adaptatives et structurelles de la résilience. Il illustre en outre comment la résilience fonctionne non seulement comme un mécanisme d'adaptation, mais aussi comme une compétence proactive et stratégique face aux ruptures professionnelles, à l'incertitude et à la reconfiguration identitaire.
1. Introduction
Les trajectoires professionnelles modernes sont de plus en plus marquées par l'instabilité, les transitions et l'ambiguïté. Dans un tel contexte volatile, la résilience apparaît comme un atout essentiel. Cet article examine comment la résilience s'exerce à différents niveaux de l'expérience professionnelle — de la stabilité émotionnelle à l'adaptabilité organisationnelle — à partir d'une synthèse des principales perspectives académiques et extractions thématiques. La résilience, comprise à la fois comme une ressource personnelle et un processus de développement dynamique (Juárez, 2007), accompagne les individus dans la redéfinition de leurs récits professionnels en période de transformation.
2. Dimensions psychologiques et émotionnelles de la résilience
La régulation émotionnelle nécessaire pour faire face aux revers professionnels est une composante fondamentale de la résilience de carrière. Des affirmations telles que « le sentiment d’échec professionnel peut entraîner une crise identitaire » montrent à quel point les turbulences émotionnelles nécessitent une restructuration interne. Ginzberg lie les bonnes décisions de carrière à la stabilité émotionnelle (Osipow, 1968, p. 13), tandis que Super souligne les étapes du développement au cours de la vie qui influencent le comportement professionnel (Osipow, 1968, p. 10). Snyder et Maddux (1995) affirment que les individus dotés d'une forte auto-efficacité sont mieux préparés émotionnellement à poursuivre et atteindre leurs objectifs, ce qui confirme la résilience comme tampon émotionnel critique.
3. Adaptation et plasticité identitaire
La résilience adaptative ne se limite pas à des ajustements réactifs ; elle reflète une capacité plus profonde à faire preuve de plasticité identitaire. Les parcours professionnels actuels sont « caractérisés par des interruptions, des bifurcations et des reconversions », et les individus sont appelés à « se reconfigurer professionnellement » pour s'aligner sur des environnements en évolution. Holland (1966) et Super (1980) mettent en évidence cette interaction entre identité et carrière dans leurs modèles de congruence de personnalité et de réalisation du concept de soi. La théorie de la construction de carrière met l'accent sur l'adaptabilité, le contrôle et la recherche de sens comme éléments cruciaux pour naviguer dans les transitions professionnelles (Juárez, 2007).
4. Proactivité et apprentissage tout au long de la vie
La résilience est renforcée par des comportements proactifs et un développement continu. Guerin (1992) et Super (Osipow, 1968) soulignent tous deux le rôle de « l'investissement dans la formation continue » et des transitions volontaires comme preuves de résilience autodirigée. Ce thème est repris dans la théorie cognitive et sociale de la carrière, où Lent et al. (1994) affirment que l'auto-efficacité et les attentes de résultats façonnent les réponses adaptatives. Comme le suggère Mahmoudi (2012), la résilience professionnelle devient particulièrement visible lorsque les individus font face à des ruptures et doivent amorcer des secondes carrières, révélant une orientation résiliente tournée vers l’avenir.
5. Structures de soutien social et organisationnel
La résilience professionnelle se construit collectivement, grâce à des environnements de soutien et à des dispositifs institutionnels. Des affirmations telles que « la résilience professionnelle [...] se construit aussi dans des collectifs de soutien » et la reconnaissance des « dispositifs d’orientation, de formation, et de reconversion » confirment l’importance du contexte. Les théories organisationnelles (ex. : Schein, 1971 ; Van Maanen & Schein, 1977) confortent cette idée en mettant l'accent sur l'intégration des rôles et les processus de socialisation culturelle. Des environnements favorables offrant chaleur émotionnelle, attentes élevées et opportunités structurées renforcent significativement la résilience (Juárez, 2007 ; Bouvier in Juárez).
6. Reprise stratégique et navigation professionnelle
Les mécanismes de reprise illustrent la dimension structurelle de la résilience. Des concepts tels que « repositionnement professionnel » et « effort cognitif, émotionnel et [...] matériel » traduisent les efforts nécessaires pour retrouver des parcours professionnels porteurs de sens. Adamson et al. (1998) et Bardwick (1986) insistent sur l'adaptabilité stratégique et la réflexion critique requise pour redéfinir les objectifs professionnels. La théorie de l'apprentissage social de Krumboltz s'aligne avec cette perspective en reconnaissant la résilience comme un processus adaptatif fondé sur l'expérience et le retour d'information (Juárez, 2007).
7. Implications pour l’orientation et les politiques d’accompagnement
Comprendre la résilience comme une capacité multidimensionnelle permet aux professionnels de l’accompagnement de mieux soutenir les individus confrontés à l’instabilité. Les programmes doivent promouvoir la littératie émotionnelle, faciliter la reconversion et encourager les réseaux de soutien. Les interventions peuvent développer « la capacité à vivre avec l'incertitude », renforcer l'auto-efficacité et aider à redéfinir les échecs comme des opportunités de croissance. Les outils réflexifs et les approches narratives sont particulièrement efficaces pour aider les individus à construire des récits professionnels cohérents et porteurs (Zunker in Juárez, 2007).
8. Conclusion
La résilience dans le développement de carrière n’est pas un trait statique mais une capacité dynamique qui évolue selon les étapes de la vie, les contextes et les crises. En reconnaissant et en cultivant ses dimensions psychologiques, comportementales, adaptatives, sociales et structurelles, les individus et les institutions peuvent mieux se préparer aux incertitudes du paysage professionnel contemporain.
Bibliographie
Adamson, S. J., Doherty, N., & Viney, C. (1998). The meanings of career revisited: Implications for theory and practice. British Journal of Management, 9(4), 251–259.
Bardwick, J. M. (1986). The Plateauing Trap. New York : AMACOM.
Bandura, A. (2003). Self-efficacy: The exercise of control. Cité dans Mahmoudi, R. (2012).
Guerin, F. (1992). La carrière : point de rencontre des besoins individuels et organisationnels.
Holland, J. L. (1966). The Psychology of Vocational Choice. Waltham, MA : Blaisdell.
Juárez, V. (2007). La résilience au service du développement de carrière. Revue de l’orientation scolaire et professionnelle, 36(3), 3–12.
Lent, R. W., Brown, S. D., & Hackett, G. (1994). Social cognitive career theory. Journal of Vocational Behavior, 45(1), 79–122.
Mahmoudi, R. (2012). Les représentations du travail et les parcours professionnels. Paris : L’Harmattan.
Osipow, S. H. (1968). Theories of Career Development. Englewood Cliffs, NJ : Prentice Hall.
Snyder, C. R., & Maddux, J. E. (1995). Self-Efficacy and the Psychotherapy Process. New York : Guilford Press.
Super, D. E. (1980). A life-span, life-space approach to career development. Journal of Vocational Behavior, 16(3), 282–298.
Van Maanen, J., & Schein, E. H. (1977). Toward a theory of organizational socialization. Research in Organizational Behavior.
Zunker, V. G. (1990). Career Counseling: Applied Concepts of Life Planning. Pacific Grove, CA : Brooks/Cole. Cité dans Juárez (2007).