From Career Stability to Agility: Embracing the New Paradigm: (Full article)

By Driss Elmouden
La carrière a toujours constitué l’objet de réflexion approfondie pour analyser les professions et les métiers. Son enracinement dans les sciences sociales a fait de ce concept un centre d’intérêt dont l’utilisation variée n’a pas été connu que par peu d’autres concepts.
Cet usage multiple et varié du concept carrière donne l’impression de loin, ou à première vue, qu’il est clair et assimilable ; mais il devient trop opaque et brouillé au fur et à mesure qu’on s’en approche de très prés.
Cette ambiguïté est due à l’amalgame que les usagers font en utilisant d’autres concepts d’apparence interchangeable avec le concept carrière ; mais ils sont indépendants. Un éclairage ne serait-ce que succinct doit être donnée à ce sujet, en essayant de répondre à la question suivante : quelle différence existe entre, d’une part : Travail, emploi, activité, tâche, métier, profession et d’autre part, le concept carrière ?
Le terme « travail » désigne généralement le domaine de la vie dans lequel les personnes, fournissent un travail en vue d'obtenir un service ou un bien 1;
Le terme « emploi » : à partir du moment où les institutions définissent certaines tâches ayant un rôle productif précis et les assignent de façon relativement stable et identifiée à des individus recrutés pour les réaliser, on peut alors parler de poste ou d’emploi spécifique 2 ;
Le terme « activité » est définie comme l’exécution d’une série d’actions et «les représentations qui l’accompagnent et qui la guident» 2. A partir du moment où des individus réalisent individuellement ou collectivement un produit de travail, il y a activité de travail en réponse à des prescriptions2 ;
Le terme « tâche » correspond à l’ensemble des buts et procédures prescrites, aux performances exigées et aux normes de qualité, mais aussi à l’environnement physique de réalisation du travail2. À une tâche correspondent des objectifs, des moyens et des conditions de réalisation 2. Comme le souligne Leplat[7], la tâche prescrite décrit de façon «canonique» la façon d’effectuer le travail et dépend de la représentation que s’en fait son concepteur.2
Le terme « métier » : Un métier apparait et se développe à partir d’un poste, il faudrait, selon Latreille [6], que trois paramètres soient réunis: existence d’une formation spécifique, reconnaissance du métier par autrui et regroupement des personnes concernées. Le métier se créerait donc quand des gens d’un même domaine se regroupent pour négocier la définition des rôles, des tâches, des savoir-faire…, l’accès au marché du travail et revendiquent une identité spécifique, se la reconnaissent entre eux ou cherchent à se la faire reconnaître 2.
Le métier a le privilège d’être l’expression de l’identité de l’artisan, ce qui le différencie des autres pratiques : Tâche, emploi, activité… C’est un moyen pour se reconnaitre et être reconnu par les autres.
Face à la parcellisation des tâches, à la rotation des postes, à l’intensification du travail, le métier constitue une garantie3.
Le terme « profession » il faut qu’il soit socialement nécessaire, que ses membres suivent un code de déontologie et que le groupe le fasse respecter… Ce code fixe les relations des membres de la profession entre eux et avec le reste de la société … dans le champ professionnel, la communication se fait grâce à un langage spécifique, hermétique pour l’extérieur 2.
Le terme « carrière » : La théorie de la carrière a cherché à répondre, dans les années 1970 et 1980, à la question des conditions de congruence ou d’ajustement entre, d’un côté, les caractéristiques sociales des individus et leurs attentes, et de l’autre, les contraintes organisationnelles des employeurs de l’autre (Hall, 1976; Van Maanen, 1977 ; Schein, 1978 ; Arthur et al., 1984) 4.
La notion de carrière n’est pas un concept statique, figé dans le temps et l’espace, plutôt il est dynamique. Il n’a jamais cesser de se composer, se décomposer et se recomposer à travers son histoire pour s’adapter aux différents contextes, spatiaux et temporels, où il est utilisé. Une condition sine qua non pour sa raison d’être.
L'une des définitions classiques du concept « carrière » a été formulée depuis (1937) par Hughes qui a qualifié le concept « carrière » entant qu’une "perspective mouvante du temps"5.
La définition influente d'Arthur, Hall et Lawrence (1989) des carrières comme «la séquence de déroulement des expériences de travail d'une personne au fil du temps» (p. 8)6. Ou encore comme « La séquence des postes liés au travail occupés tout au long de la vie d'une personne » (London et Stumpf, 1982, p. 4) 5.
Cette définition correspond aussi à la notion d’étape de carrière, développée par Super en 1957 selon laquelle il conçoit la carrière comme une évolution régulière au cours du temps, depuis le début jusqu’à la fin de la vie professionnelle.
Ainsi, la dimension « temps » est centrale dans la conception traditionnelle de carrière. Elle sous-tende des métaphores telles que "histoire" et "chronologie" et des modes bureaucratiques d'organisation de la vie professionnelle 7.
Sears (1982) a définit la carrière comme : La totalité et/ou la séquence des rôles et des expériences de travail, rémunérées ou non, d’un individu au cours de sa vie, depuis l’école jusqu’à la retraite» (p. 137) 1. En rendant la question de rémunération optionnelle, la carrière est devenue une nécessité pour s’auto réaliser. La carrière n'est pas simplement un emploi ou une occupation pour gagner sa vie" (Bhuyan, 2002) 8.
Des définitions faisant référence à une progression dans le temps sans tenir compte des changements qui peuvent avoir lieu. Elles sont considérées des définitions restrictives qui reflètent l’usage courant généralement adopté du mot « carrière » avec ses connotations de progression balistique, ascendante, logique, régulière et prévisible impliquant les trois formes du temps : Passé, présent et future. Une situation où l’entreprise ou une organisation en général assure la motivation de son employé un processus d’évolution pour progresser et améliorer sa situation matériellement et aussi en termes de perfectionnement et de capitalisation de compétences. Il s'agit donc d'un mécanisme omniprésent et explicite de gestion efficace des ressources humaines 5.
Le concept carrière a eu des connotations sociales se référant « aux professions structurées auxquelles leur recrutement sévère, leur discipline intérieure, leur vieille tradition, et sans doute leur importance sociale, confèrent une sécurité matérielle et un prestige sans comparaison avec le commun »9 .
Les incertitudes économiques et les changements survenus en matière de management à partir des années 80, ont brouillé la visibilité des organisations pour se projeter dans l’avenir.
La notion traditionnelle de carrière « ne semble plus capable d’expliquer l’ajustement des trajectoires individuelles aux nouvelles exigences de l’organisation économique du travail.4
Cela a provoqué une mise à jour des rôles. Les entreprises sont devenues incapables de continuer à honorer leurs anciens engagements et elles se sont retirées de cette mission et les employés ont procédé au développement de leur polyvalence pour demeurer employable.
En conséquence, la notion de « carrière » s’est dissociée de tous ses attributs précédents pour adopter d’autres significations qui conviennent mieux à un avenir turbulent qu'à un avenir stable. Le concept carrière est remis en cause. Hall en 1996 titrait: « La carrière est morte, longue vie à la carrière 10» pour annoncer la naissance du concept carrière dans une nouveau statut.
« De nombreuses organisations parlent désormais non pas de possibilités d'avancement et/ou de progression, mais de possibilités d'améliorer la commercialisation et l'employabilité (Viney, Adamson et Doherty, 1995) 5. Une situation ou la progression professionnelle n’est plus verticale mais plutôt multidirectionnelle, et la carrière est « une séquence de mouvements dans différentes directions » 11.
Par conséquent, l’employé s’est vu changé de statut. Il est devenu responsable de son évolution au lieu d’être pris en charge par l’organisation comme c’était le cas dans l’ancien statut de carrière. A présent, l’attention s’est focalisée sur l’individu, et non pas sur l’organisation. L’individu est appelé à se reconnaitre pour tracer lui-même son itinéraire d’évolution. Alors, à la place d’un contrat considéré bâti dans des conditions économiques favorables, florescentes et stables où la sécurité d’emploi est récompensée par la fidélité et l’engagement à l’entreprise ; un nouveau mode de contrat de travail a été contracté, où la forme du contrôle parental que l’organisation exerçait sur l’employé s’évapore pour libérer la voie aux initiatives individuelles où « la mobilité d'un individu est considérée comme un indicateur valable de sa progression/de son développement de carrière (Hall, 2002 ; Grusky, 1966) » 12.
Ce changement de statut dans la situation des employés n’est pas sans conséquences. Le transfert d’une situation de stabilité de l’emploi à une autre situation précaire et imprévisible nécessitant une mobilisation individuelle n’est pas à la portée de tous les concernés.
Les définitions traditionnelles de la carrière ne semblent plus adaptées aux systèmes de carrière contemporains (Arthur et Rousseau, 1996 ; Nicholson, 1996). Rousseau, 1996 ; Nicholson, 1996)5. La dimension « temps » constituant l’essence du concept « carrière » a été dépassée, et d’autres dimensions ont été introduites.
La carrière traditionnelle serait aujourd’hui supplantée par une carrière sans frontières ou carrière nomade (Arthur et Rousseau, 1996)13.
Le concept « carrière » a dépassé la dimension économique pour couvrir d’autre champs d’intérêts. Par exemple d'un point de vue politique, la carrière peut également être considérée comme une séquence d'efforts visant à maximiser l'intérêt personnel, par le biais de tentatives successives d'acquisition de pouvoir, de statut ou d'influence (Kaufman, 1960).5
En sociologie le concept « carrière » est perçu comme un outil de maintenir l’ordre social (Van Maanen et Barley, 1984) 5.
En psychologie, la carrière est conçue entant que vocation (Holland, 1985), une réalisation de soi (Shepard, 1984) ou référant à l’organisation de la vie de l’individu (Levinson, 1984) 5.
Erikson (1963), Kets de Vries et Miller (1985) ou Hall et Goodale (1986) ont essayé de répartir les étapes de carrière sur quatre grandes étapes, à savoir 14:
Exploration : C’est une phase d’apprentissage, de découverte et de construction de soi en quête d’un statut social ;
Maîtrise : Phase où les liens s’établissent entre l’employé et son organisation. C’est une phase de socialisation et de croissance (Kets de Vries & Miller, 1985) durant laquelle l’employé progresse et se stabilise socialement ;
Maintenance: Phase où, après une maturité professionnelle, le développement se ralentit, il une phase de routine s’installe, et nécessite une opération de « maintenance »
Désengagement : Phase de retrait. Arrivé à un stade de saturation, l’employé opte pour le retrait et l’investissements dans d’autres activités personnelles.
Cette répartition de carrière en quatre étapes a fait l’objet de critiques. Ces dernières ont reproché à ladite répartition sa progression régulière, calculé, d’apparence, sur la base de la courbe de vie des produits. Avec les récents nouveaux types de carrière, exemple de la « carrière nomade ». Hall et Goodale (1986) montrent que dans ce cas de carrières discontinues, on observe une succession de cycles au sein desquels on peut identifier différentes étapes de carrière 14.
D’autres formes de carrière sont apparues répondant aux exigences du temps présent :
ü La carrière protéiforme où l’individu pour qu’il s’adapte et survit, il doit faire appel à ses propres compétences professionnelles et ses propres valeurs pour s’autogérer. Il doit être protéiforme ; La carrière sans frontières où l’individu "navigue dans le paysage changeant du travail en menant une carrière caractérisée par différents niveaux de mouvements physiques et psychologiques" (Sullivan & Arthur, numéro actuel, p. 9)15, favorisant une exploration plus libre et sans frontières d’autres expériences à des niveaux multiples.
BIBLIOGRAPHIE
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